Dans Gaza, prison à ciel ouvert, une nouvelle stratégie de résistance populaire non-violente Bernard Ravenel
Extraits de l’article, « Le moment Gaza 2018 et les armes de la non-violence », de Bernard Ravenel, historien et l’un des animateurs du Collectif « Trop, c’est trop ! », membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée. Cet article figure dans la revue Confluences Méditerranée, n°106, automne 2018, et peut être obtenu sur le site : Confluences Méditerranée. Bernard Ravenel est l’auteur du livre, La résistance palestinienne : des armes à la non-violence, paru à L’Harmattan en 2017.
Tout au long du deuxième trimestre 2018 s’est déroulée dans la bande de Gaza une mobilisation massive et pacifique organisée par la société civile palestinienne. Celle-ci a voulu faire connaître au monde sa souffrance due principalement au blocus établi par Israël depuis plus d’une décennie. Refusant, sur la pression de la jeunesse, la voie armée pratiquée par le Hamas et le Djihad islamique, cette mobilisation populaire non-violente a été l’objet d’une répression immédiate et violente de la part de l’armée israélienne qui a fait au moins 118 morts et des milliers de blessés graves. Ce massacre commis délibérément par l’armée israélienne signe aux yeux du monde la défaite morale donc politique d’Israël dans sa confrontation centenaire avec le peuple palestinien; il exprime l’impasse dans laquelle se trouve Israël, avec son immense potentiel de violence, obligé de s’interroger sur sa capacité politique d’apporter une solution au problème palestinien.
[…] En mai 2018, le monde entier a été témoin d’un événement considérable avec le massacre par l’armée israélienne de civils palestiniens venus manifester sur leur propre territoire pour montrer leur volonté d’en finir avec une intenable situation créée par un blocus qui dure depuis plus d’une décennie. Et en rappelant qu’ils n’oubliaient pas le vol de leurs terres en 1948 par l’Etat d’Israël. Ce jour du 14 mai sera celui de la défaite morale donc politique d’Israël car il a révélé au monde entier que cet Etat n’avait pas de réponse au problème palestinien sauf celle du massacre que l’indignation mondiale ne supportera pas indéfiniment. C’est ce qu’a constaté sur place dès le 15 mai le quotidien israélien Haaretz : « L’image d’Israël est K.0. Désormais et pour longtemps l’opinion publique internationale ne verra de nouveau que le fort contre le faible, l’occupant contre l’occupé, l’espoir indécent d’un Etat sans cœur (Israël) contre le désespoir ».
Prévue jusqu’au 15 mai, jour de la commémoration de la Nakba, la Grande marche du retour a été en fait lancée le 30 mars 20181 par l’ensemble des forces de la société civile de la Bande de Gaza, après avoir été annoncée et préparée par ses organisateurs en sorte qu’elle soit absolument pacifique. Pourtant elle a très vite attiré un détachement armé israélien dont une centaine de snipers (tireurs d’élite) vite installés en position de tir face à la foule aux mains nues. Israël, dans sa permanente logique répressive, a choisi ainsi une réponse violente indiscriminée, qui consiste à cibler et tuer des civils désarmés. Cependant cette répression armée contre la mobilisation civile non-violente de la société gazaouie soutenue par toutes les forces politiques, pour une fois unies, pourrait préfigurer un tournant majeur aussi bien dans l’histoire de la stratégie militaire israélienne que dans celle de la résistance palestinienne dans le territoire de Gaza. Après l’échec de la lutte armée du Hamas et du Djihad islamique, les Palestiniens ont en effet mis en œuvre une stratégie et à une tactique politiques nouvelles : le refus unilatéral des armes non comme repli tactique mais comme stratégie assumée du désarmé dans une lutte de masse à armes inégales.
Pour comprendre le sens de cet acte « insensé » du pouvoir israélien mais aussi l’émergence de cette modalité de lutte qu’est la résistance non-violente de masse à Gaza, il faut resituer l’arrière-plan historique et géographique avant d’analyser les dynamiques récentes à l’œuvre et leur caractère inédit. Continuer la lecture de Dans Gaza, prison à ciel ouvert, une nouvelle stratégie de résistance populaire non-violente
